jeudi 30 septembre 2010

AUTOMÉDIALITÉ

Le QUATRIÈME numéro de notre
REVUE D`ÉTUDES CULTURELLES,
animé par notre collègue et amie Béatrice JONGY
et consacré à

L`AUTOMÉDIALITÉ CONTEMPORAINE

est désormais téléchargeable sur

http://etudesculturelles.weebly.com/automeacutedialiteacute.html


"L'Automédialité désigne à la fois la construction du sujet dans l'écrit, l'image et les nouveaux médias. Elle met l'accent sur les pratiques culturelles et les constructions des identités. L'ouvrage situe cette notion dans une généalogie du sujet, avant d'étudier les procédés de représentation de soi des différents médias au XX et XXIe siècles. Il confronte le texte littéraire soit à d'autres types de productions textuelles, soit à d'autres langages artistiques. Il s'intéresse également aux formes autobiographiques nouvelles engendrées par l'usage des téléphones mobiles et d'internet..."



TABLE DES MATIÈRES


Béatrice JONGY : Avant-propos

Christian MOSER : Pour un dialogue entre médiologie et critique littéraire.

François GUIYOBA : Le sujet à la croisée des chemins auto (bio) médiatiques.

Samuel WEBER : Medium, Reflexivity and the Economy of the Self (Walter Benjamin).

Anne-Laure DAUX : Le cas des autobiographies d’allemands de l’est après 1989.

David JAMES : The origins of Jonas Mekas's diary film, Walden.

Heidi PEETERS: Pierre Alferi’s meta-self-medial poems.

Salma MOBARAK : Le journal intime en littérature, en peinture et au cinéma.

Martine DELVAUX : Les visages de la bédéiste Julie Doucet.

Eva WERTH : L’œuvre de Sophie Calle et le concept de l’automédialité.

Jacques BRUNET-GEORGET : Les procédures de représentation de soi chez Orlan.

Biliana VASSILEVA-FOUILHOUX : Automédialité et écriture chorégraphique : Carolyn Carlson.

Sébastien BISET : Pratiques culturelles émergentes et automédialité.

Konstantinos VASSILIOU : Automédialité et médias numériques.

Patrice VIBERT : L'alternance entre le réel et le blog.

Christian MARIOTTE : Epistolarité, écriture de soi et nouvelles technologies : réinvention de la « lettre de lecteur ».

Gabriela DAVID : L’incidence du camphone sur la construction de l’automédialité.

mardi 28 septembre 2010

La pension des délices





Les pensionnats pour jeunes filles (ces boarding schools for young ladies qui, progressivement, se sont substituées aux Charity schools des XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles) forment, on le sait, le socle de l’idéologie de l’Angleterre géorgienne, victorienne puis édouardienne1. Pourquoi ? Avant toute chose parce qu’ils préparent efficacement à leur futurs devoirs de femme les « petites demoiselles », selon l’expression consacrée au XIXe siècle. D’une part par l’apprentissage des accomplishments – dentelle, broderie, point de croix, dessin, aquarelle, chant, danse, piano – et, de l’autre, par la leçon, inlassablement répétée, que leur devoir consistera à se contenter précisément d’être des épouses dignes et des mères vertueuses. Dans les romans de l’époque, ces pensionnats sont bien sombres : maigre nourriture triste, sinon putride, épidémie de typhus ou de tuberculose ; et la lecture des volumes composant tout bonne lady’s library, où la Bible côtoie les romans sentimentaux les plus compassés, ne suffit pas à faire oublier aux jeunes filles la rigueur de ces moroses établissements dépeints par Jane Austen (Emma) ou Charlotte Brontë dont l’héroïne, Jane Eyre, est, pour son malheur, envoyée par sa tante au pensionnat de Lowood. Mais ces écoles sont aussi, du moins prétendument, des établissements de haute moralité, ce qui passe, bien sûr, par une surveillance de tous les instants. La lecture systématique du courrier des élèves par les maîtresses d’école, est, par exemple, devenu un tópos de leur représentation. Or cette contrainte permanente, qui fait battre aux cœur des jeunes filles, avec l’aspiration à la rébellion, un sentiment de violation constante de leur intimité, favorise la duplicité, la tromperie et l’artifice – trois valeurs qui, depuis les Lumières, sont essentielles au libertinage. Peu à peu, le pensionnat devient ainsi un des lieux privilégiés des fictions érotiques et pornographiques – ce qu’il n’a jamais cessé d’être jusques à nos jours, y compris hors du Royaume-Uni. J’en égrènerai, pour commencer, quelques exemples afin de tenter de mettre au jour certains invariants dont je tenterai d’expliquer les modulations. Ce ne sont pas à ses séjours anglais, pour le moins mouvementés, que Verlaine doit son goût pour les jeunes pensionnaires. Certes, en 1889, il fait paraître un recueil de poèmes, Parallèlement, dont une partie entière est consacrée aux jeunes amours saphiques, notamment dans le cadre des pensionnats. Mais cette partie, intitulée « Les Amies », était déjà parue, en 1867, sous le pseudonyme de Pablo-Maria de Herlañes. Désormais, cependant – et cela, c’est l’esprit du temps qui non seulement le lui permet mais l’y pousse – ces poèmes sont revendiqués par leur auteur : les vices de pension font vendre, et Léon Vannier, l’éditeur des symbolistes et des Décadents à petits tirages, s’en frotte les mains. Je noterai par parenthèse que, du point de vue commercial, rien n’a changé et le groupe Playboy possède une revue entièrement dédiée aux jeunes pensionnaires, Playboy’s College Girlsthe Sexiest College Girls from Coast to Coast qui assure au groupe des recettes importantes, particulièrement bienvenues en une ère de déficits importants des magazines à playmates traditionnelles. Le deuxième sonnet des « Amies » m’intéresse directement puisqu’il est intitulé « Pensionnaires » :

« L’une avait quinze ans, l’autre en avait seize ;/ Toutes deux dormaient dans la même chambre/ C’était par un soir très lourd de septembre/ Frêles, des yeux bleus, des rougeurs de fraise./
Chacune a quitté, pour se mettre à l’aise,/ La fine chemise au frais parfum d’ambre,/ La plus jeune étend les bras, et se cambre,/ Et sa sœur, les mains sur ses seins, la baise,/
Puis tombe à genoux, puis devient farouche/ Et tumultueuse et folle, et sa bouche/ Plonge sous l’or blond, dans les ombres grises ;/
Et l’enfant, pendant ce temps-là, recense/ Sur ses doigts mignons des valses promises./ Et, rose, sourit avec innocence. »
2

Des motifs, essentiels à l’érotisation des pensionnaires, et qu’on retrouvera jusque dans le roomates et lesbian porn de la société de consommation dirigée sont, d’ores et déjà, étroitement liés : la promiscuité que favorisent les internats et qui elle-même facilite les rapprochements amoureux, car, c'est bien connu, a ocasião faz o ladrão ; la conversion d’une amitié enfantine en désir adolescent ; l’apprentissage de la passion et la découverte de l’avidité dans le plaisir forment l’arrière-plan de ce poème qui, à bien des égards peut être considéré comme un parangon du pensionnat licencieux. Enfin, une analogie y est établie qui tend à indiquer que l’innocence est à la volupté ce que la beauté est à la jeunesse, ce que retiendra, du reste, en 1948, Paul-Émile Bécat lorsqu’il illustrera le cycle des « Amies » dans un style graphique qui annonce celui de Milo Manara dont il me faudra parler ultérieurement.



1Cf. Catherine-Émilie Corvisy & Véronique Molinari, Les Femmes dans l’Angleterre victorienne et édouardienne. Entre sphère privée et sphère publique, Paris, L’Harmattan, 2008.
2Paul Verlaine, Parallèlement, Paris, Léon Vanier, 1889, p.9 & 10.


jeudi 23 septembre 2010

Etudes Culturelles et Comparatisme

Vient de paraître, sous la direction de

Antonio Dominguez Leiva, Sébastien Hubier, Philippe Chardin et Didier Souiller


ÉTUDES CULTURELLES, ANTHROPOLOGIE CULTURELLE ET COMPARATISME

"Les études culturelles n`ont pas bonne réputation en France.

Au mieux, on les proclame étrangères à la tradition de la recherche universitaire française; au pire, on les accuse volontiers d`être un instrument du "politiquement correct" américain, qui n`aurait d`autre ambition que de dénoncer l`exploitation ou l`oubli volontaire dont sont victimes les minorités (ethniques ou sexuelles).

C`est réduire intentionnellement leur méthode et leurs ambitions, c`est ne vouloir voir que les postcolonial studies et les études féminines, mais c`est aussi négliger ce fait que l`évolution d`ensemble de la recherche en histoire au XXe s. a permis ce développement des études culturelles et, notamment, grâce à la mutation proposée par l`Ecole des Annales en France.

Issues d`un colloque rassemblant les comparatistes francais, les études proposées ici ont tenté de montrer la variété des territoires et les ambitions impliquées par les études culturelles. Ce panorama s`est voulu international aussi, sans pour autant succomber à l`autocélébration, comme le prouve une présentation du livre volontairement polémique -qui défend, mais aussi critique.

Le débat est lancé, des itinéraires sont proposés: pourquoi ne pas les suivre sans préjugé?"


Avec les contributions de Manfred Schmeling, Antonio Dominguez Leiva, Randy Martin, Marco Baschera, Georg Otte, Yannick Malgouzou, Franck Greiner, Philippe Monneret, Elisabeth Rallo Ditche, Ute Heidmann, David R. Shumway, Vanessa Besand, Jacques Poirier, Anne Chalard-Fillaudeau, Michele Cometa, Amélia Sanz, Hildegard Haberl, Frédérique Toudoire-Surlapierre, Georges Fréris, Sébastien Joachim, Fiona McIntosh-Varjabédian, Frédéric Sayer, Jean-Claude Laborie, Ariane Bayle, Rémi Astruc, Béatrice Jongy, Jan Baetens, Jean-Christophe Valtat et Daniel Aranjo (vol. I)

et Alain Montandon, Aude Bonord, Robert Smadja, Guillaume Navaud, Rachel Bowlby, Nicole Boëls, Sébastien Hubier, Anne Tomiche, Sylvie Vanséveren, Nicolas Corréard, Didier Souiller, Anne Duprat, Gabriele Vickerman-Ribémont, Isabelle Durand-Leguern, Vincent Ferré, Alexandre Seurat, Charles W. Scheel, Jean-Marc Moura, Yves Clavaron, Cheikh M. S. Diop, Annick Gendre, Charles Bonn, Odile Gannier et Yolaine Parisot (vol. II)





Disponible sur
Les éditions du Murmure

Les éditions du Murmure
Centre Pluridisciplinaire
Textes et Cultures
EA 4178
Études Culturelles XXXVe Congrès de la SFLGC
20 €

Vous pouvez télécharger la belle couverture en cliquant
ICI

mercredi 22 septembre 2010

Une résistance française ?

Vient de paraître,
animé par notre collègue Anne Chalard-Fillaudeau,

le CINQUIÈME numéro de notre

REVUE d`ÉTUDES CULTURELLES

consacré à

ÉTUDES ET SCIENCES DE LA CULTURE: UNE RÉSISTANCE FRANÇAISE?

"Si la recherche française se distingue de ses pairs étrangers en cela qu`elle réserve un accueil mitigé aux études et sciences de la culture, elle n`est pas absolument et résolument fermée aux Cultural Studies, Kulturwissenschaften et autres: bien au contraire... Le présent recueil se propose ainsi d`expliciter l`ambivalence de la position française en croisant les regards. Les onze contributeurs proviennent de contextes scientifiques et culturels différents, mais ont tous en commun d`avoir produit une réflexion sur les études et sciences de la culture, sinon d`en être les praticiens critiques, et nous proposent un regard distancié de ce qu`est ou n`est pas la France en ce domaine. De la sorte, ils éclairent l`enjeu des mutations qui se font jour dans le domaine des sciences humaines et, a fortiori, des études culturelles"



"Cultural Studies: there is no such a thing in France", judging from the paucity of introductions to Cultural Studies and from a certain form of resistance to it. But the situation is far more complex than that, as the eleven contributors attempt to show. While adressing the French reluctance against Cultural Studies and assessing the present obstacles in light of the French scientific, academic and cultural contexts, they also delineate possible intersections between Cultural Studies and etudes et sciences de la culture and give their own personal response to the question: could/should there be such a thing in France?"




TABLE DES MATIÈRES

Anne CHALARD-FILLAUDEAU Avant-propos


Le complexe de la singularité

Marie-Jeanne ROSSIGNOL, À défaut d`histoire

Pascal ORY, Histoire culturelle et sciences de la culture en France

André KAENEL, American Studies et sciences de la culture en France

Marie-Pierre LE HIR, French Studies et sciences de la culture en France

Brigit WAGNER, La réticence française



Du Chercheur au citoyen

Asunciòn LOPEZ-VARELA AZCARATE & Steven TÖTÖSY DE ZEPETNEK, Comparative Cultural Studies, éducation, nouveaux médias et interculturalisme

Gérard RAULET, Les Cultural Studies en France

Andrea ALLERKAMP, La germanistique, une science de la culture?


Question d`existence de/dans la science

Georges-Claude GUILBERT, Comment pratiquer les Cultural Studies en France et survivre

François CUSSET, Apport des penseurs français aux Cultural Studies

Erosvastika



As an unexpected response to Sontag’s analysis, the genre of Nazi exploitation would become particularly big in Italy, following the high culture success of Liliana Cavani’s 1972 depiction of a S&M relationship between Lucia and her ancient torturer Max in Il portiere di notte divided the audience was divided between disgust towards what looked as an apology for sado-masochism and Nazi nostalgia and the intellectuals that defended it as a dignified appendix to Visconti’s La caduta degli dei. Haunted by the fascist past and the political turmoil of the present Italian cinema was fascinated by Nazi S&M, culminating in Pasolini’s political adaptation of Sade Salo that explored the debate on the totalitarian dimensions of the Marquis pornotopia.

Popular culture appropriated itself of the trend in violent erotic fumetti like Hessa and the mini-genre alternatively designated as nazi-porno, sadico-nazista porno-svastica or eros-svastica, or yet simply nazi-movie. The genre can be in fact divided between those features that emphasize sex and others where gore and horror predominates.

Following closely high culture precedents Tinto Brass’ Salon Kitty (1975) was intended to attack Power itself as a corruptive force, basing itself on a historical book on the infamous brothel run by the SS. Sex becomes the hallucinatory symbol of power’s aberration and the Salon the emblem of the general battleground not only of World War II but of human destiny, a theatrum mundi akin to Jean Genet’s Balcony. Focusing on sexploitative elements Bruno Mattei shoots one year later La casa privata delle SS (SS_Girls), collage of incoherent scenes depicting forced bestiality of disfigurations. His following KZ9 extermination camp was a real horror film, one of the most outrageous of the genre.

In the obscure Liebes lager de Enzo Gicca Pilli Kieran Canter, future hero of necrophiliac Blue Holocaust, is an SS who masturbates the female prisoners before the routine general revolt of the camp and the ensuing massacre. Gli ultimi giorni delle SS is more of a war film mixed with erotic scenes like that of Lea Lander being whipped to orgasm, whereas Sergio Garrone’s cheap Kommandatur SS (« the cheapest eros-svastica ever shot ») only presents the poor originality of a scene of clinical transplant of testicles that the commandant hopes will improve his sexual potency. With Le deportate della sezione speciale SS Rino Di Silvestro (1976) manages the biggest Italian hit of the genre, less sexploitative and more atmospheric than its counterparts.

lundi 20 septembre 2010

Fascinating Fascism




The very same year of Ilsa’s first appearance Susan Sontag’s classic essay on Fascinating Fascism adressed the growing fad of Nazi pornography, asking how Nazi Germany, “which was a sexually repressive society, become erotic”. Beyond the strange contradiction by which “extreme right-wing movements, however puritanical and repressive the realities they usher in, have an erotic surface”, showing predilection for highly sexual metaphors (“The leader makes the crowd come”), Fascist aesthetics

“flow from (and justify) a preoccupation with situations of control, submissive behavior, and extravagant effort; they exalt two seemingly opposite states, egomania and servitude. The relations of domination and enslavement take the form of a characteristic pageantry: the massing of groups of people; the turning of people into things; the multiplication of things and grouping of people/things around an all-powerful, hypnotic leader figure or force. The fascist dramaturgy centers on the orgiastic transactions between mighty forces and their puppets. (…) Fascist art glorifies surrender; it exalts mindlessness: it glamorizes death”.

Most deeply, it is theatricality that unites fascism (“fascism is theater," quoting Jean Genet) and sadomasochistic sexuality:

“When sexuality depends so much on its being "staged," sex (like politics) becomes choreography. Regulars of sadomasochistic sex are expert costumers and choreographers; they are performers in the professional sense. And in a drama that is all the more exciting because it is forbidden to ordinary people. (…). It should not be surprising that it has become attached to Nazi symbolism in recent years. Never before in history was the relation of masters and slaves realized with so consciously artistic a design. Sade had to make up his theater of punishment and delight from scratch, improvising the decor and costumes and blasphemous rites. Now there is a master scenario available to everyone. The color is black, the material is leather, the seduction is beauty, the justification is honesty, the aim is ecstasy, the fantasy is death”.

mardi 7 septembre 2010

Echo foutromane 3




La troisième gravure, enfin, présente une position plus conventionnelle, articulée autour du "point de fuite" constitué par l`irruption dans le vagin détendu de la verge en érection (il ne peut y aller autrement, car la verge libertine n`existe qu`en érection, l`homme étant "supposé être prêt, en permanence, et se trouver aisément et rapidement excitée", Corbin, op cit, p. 471).

Nous sommes là au plus près de ce que l`on appellera dans le jargon du hard, un "medical shot", et la portée quasi-didactique de la gravure confirme ce rapprochement entre les deux régimes d`images, anatomique et libertin.

L`esthétique du "moelleux" est ici à son comble, les corps prolongeant les formes voluptueuses du lit qui soutient les ébats. Cette équivalence entre les corps désirables et les objets qui les entourent, créant une harmonie envoûtante qui va "de la volûte à la caresse, de la porcelaine à l`épiderme" est soulignée par M. Delon comme caractéristique du Savoir-vivre libertin: "tout l`espace est érotisé, il est attente des corps, invitation au plaisir, accompagnement de la jouissance" (M. Delon, 2000, p. 105)

Enfin l`on voit poindre une esthétique de la pénombre qui caractérise aussi l`érotisation libertine du corps féminin, conciliant ainsi l`emportement et la retenue et rendant le corps inaccessible "au cœur même de la possession" (id, p.150)

Echo foutromane 2




La deuxième gravure contraste avec la première de façon assez étonnante. Outre le retournement de position, les corps se sont arrondis, selon cette esthétique du moelleux et de l`élastique décelée par Alain Corbin dans L`harmonie des plaisirs.

"Il faut que le corps de la femme reste élastique, confortable, en accord avec le moelleux du sofa et du coussin, adapté à la réactivité du ressort. L`embonpoint des fesses et des cuisses augmente la volupté des sensations de l`homme pénétrant en levrette, sodomisant ou foutant en cuisses" (2010, 463)

Détail intrigant, elle se tourne vers le peintre-graveur et, par extension, vers nous mêmes, spectateurs placés dans une position de voyeurisme. S`annonce par là toute une esthétique de la complicité et de la sollicitation du spectateur qui régit encore la production pornographique (spécialement lors des scènes obligées de fellation et leur éventuelle conclusion en cum shot facial).

De plus ce regard n`est pas malicieux, comme on pourrait s`y attendre. Il relève plutôt d`une calme résolution, celle de la quête de la jouissance dans cette "harmonie des plaisirs" qui caractérise les ébats d`avant la pathologisation sexologique.

Pour ce qui est du jeune éphèbe (affublé d`une drôle de perruque à la limite du drag), il a l`air quelque peu perdu, comme ces naïfs niais dont l`initiation érotique rythme les Bildungsromane libertins.

Echo foutromane




Une autre illustration de la promotion libertine de la femme dessus nous vient d`un ouvrage rare, L'Echo foutromane ou Recueill de plusieurs scènes / lubriques et libertines : contenant / les épreuves de l'abbé Dru / le secret de madame conlèché ( sic) ; l'entrevue de Mademoiselle Pinelli / avec Arlequin et Pierrot; / la solitude de Madame Convergeais ; etc.... imprimé à Démocratis / aux dépens des fouteurs démagogues / 1792.

IL s`agit d`une série de gravures qui montrent les modalités de la chevauchée féminine.

La première, encore empreinte des codes sculpturaux de Romano, affirme la suprématie fèminine par l`assurance du geste (à la fois l`intrusion adroite de la verge et l`impression du mouvement à la croupe) et une stricte verticalité qui contraste avec l`attitude presque funèbre du mâle.

lundi 6 septembre 2010

Eloge de la Femme Dessus 1




Un siècle après le Portier des Chartreux paraît une version corrigée et augmentée du célèbre Point de lendemain de Vivant Denon, La Nuit merveilleuse (1812). Récapitulant les lieux communs de la littérature érotique de l`Ancien Régime désormais défunt, reprend l`éloge de la femme installée sur l`homme...

"Troussée à souhait, jusqu'au dessus des hanches, madame de Terville s'était assise sur moi : le contact immédiat de ses formes rondes et potelées secondait merveilleusement l'action énergique de l'instrument de nos plaisirs. Celui-ci, tapi soudain dans le centre des voluptés, s'y trouvait pour ainsi dire arrêté, fixé, accroché par l'union de son poil avec le mien. Une humidité charmante, causée par l'incroyable activité des désirs de cette aimable femme, ajoutait encore à la vivacité de mes transports; une de mes mains passée le long de sa cuisse, agitait doucement le bas du promontoire qui couronnait le sanctuaire de l'amour, dans lequel j'étais comme à poste fixe, tandis que l'autre main, errante sur deux tétons placés à égale distance, en chatouillait alternativement les deux effrontés boutons. La douce fraîcheur du zéphyr, auquel à des intervalles marqués, le mouvement bien ménagé de ses formes élastiques donnait passage entre elles et le haut de mes cuisses, nourrissait imperturbablement le feu de cette imperturbable forge.

Une langue, qui se glissait le long de mes joues, entre mes lèvres impatientes de la sucer, me lancait le nectar et l`ambroisie. Bref, cette langue si suave et si douce, cette gorge si ferme et si ronde, ces reins si agiles, cette croupe merveilleuse, ces cuisses si mobiles, si polies, ce poil noir comme du jais, et mutin comme un ressort, ce réduit de tous les plaisirs, humecté de toutes les larmes de l`amour fortunée, et par-dessus, l`être incompréhensible qui donnait à tout cela le mouvement et la vie, tout, dans ce délicieux moment, concourrait à rendre cette posture la plus voluptueusement piquante de toutes..."


L`éloge de la posture gynocrate est diffusée massivement dans la chanson à succês de Louis Potrat L`Examen de Flora, inlassablement recopiée pendant tout le siècle, catalogue du "bien baiser" qui fait la part belle à la position la plus goûtée de l`auteur:

"Le mâle sur le dos sous la femme est placé,
Son corps est fortement avec l-autre enlacé,
La femme, d`une main, lui pelote la couille,
L`autre, dans mille endroits en tous sens le chatouille
L`homme, de sa main droite, ou lui fait postillon [1]
Ou la glisse en dessous et lui branle le con
(...)
Il admire du cul les bonds impétueux,
Qui s`élève, semblable aux flots tumultueux,
Redescend aussitôt pour s`élever encore
Alimente et nourrit le feu qui le dévore!"


Encore plus tard, le grand poète romantique espagnol Gustavo Adolfo Becquer choisira cette position pour illustrer ses gravures pornographiques férocement anti-monarchiques Los Borbones en pelotas (ou les Borbons à poil) comme l`illustre notre image en tête.
C`est dire si la position était devenue "royale" dans la panoplie de l`érotisme bourgeois...



[1] FAIRE POSTILLON. Introduire son doigt dans le cul d’un homme, lorsqu’il vous baise, afin de le faire jouir plus vite.
Avec mon nez, bien qu’il soit long,
Je ne puis me fair’ postillon.
Et voilà ce qui me chagrine :
Avant ma mort j’aurais voulu
Foutre mon nez dans l' trou d’ mon cul.
DUMOULIN.

— Rendre le même servira à la femme, lorsqu’elle fait le dessus et vous le dessous, dans le duo vénérien.
L’homme, de sa main droite, ou lui fait postillon,
Ou la glisse en dessous et lui branle le con.
L. PROTAT.

(Dictionnaire Érotique Moderne)

Eloge de la Femme Dessus



Médecins et théologiens s`accordent, de l`âge baroque au "stupide XIXe siècle" pour condamner la position de la femme installée sur l`homme, qui peut, outre damner son âme, provoquer des accidents fâcheux, allant jusqu`à la rupture du pénis...

C`est ce qu`il advint à Jean G., palefrenier âgé de 37 ans, en 1853. Sa femme se plaça sur lui et "par un faux mouvement pressant de tout le poids de son corps sur la verge alors en violente érection, elle le ploya brusquement vers le périnée et la cuisse", provoquant une gangrène qui acheva le malheureux. C`est en tout cas ce que raconte le chirurgien Demarquay dans le très rare opuscule Des lésions du pénis déterminéees par le coït (Paris, Asselin, 1861).

En nette subversion de ces craintes la littérature érotique de l`âge classique va se délecter avec la chevauchée de l`homme par la femme dès l`apologie enthousiaste qu`en fait Suzanne dans l`Ecole des filles.

"Susanne: Or sus, treve de compliments, et disons encore cecy : l'amour a Cela d'accommodant qu'il, satisfaict entièrement tout lé monde selon sa portée: les ignorans par: une pleine jouyssance des plaisirs qu'ils y trouvent sans sçavoir d'où ils viennent, les habiles gens par les douces imaginations que l'esprit y conçoit en les recevant. Par exemple, dans ceste posture que l'homme faict tenir à la femme quand elle monte dessus, combien de douces Considérations peuvent satisfaire l'esprit, causées par le seul eschange mutuel des devoirs et des volontez qui se practique entre eux ; car de chevaucher simplement une femme qui se laisse faire et que la honte ou la froideur empeschent de passer outre dans la recherche du plaisir, c'est une satisfaction commune, et il n'y-a que le plaisir de descharger dans son con qui chatouille les sens de l'un et de l'autre pour un peu de temps. Mais quand, au lieu de veoir que l'homme se tourmente pour venir au point désiré, c'est au contraire la femme qui;prend ceste peine de chevaucher et qui prend la peine d'elle mesme de, s'engaigner autour de sa forte et dure lance, en faisant pour cela, à ses yeux,les actions requises et nécessaires, ô! dame, c'est un bonheur qui n'a point d'esgal et qui; les doibt ravir en des çontentemens extrêmes.

Car il voit sur luy le ventre, le nombril, les cuisses, la mothe, le con et généralement tout le corps de sa mieux aymée, qui donne de vifs esguillons à sa 1 flamme; il voit et sent l'agitation naturelle qu'elle faict sur luy en luy pressurant amoureusement la plus pretieuse partie de luy mesme; il l'admire en face, qui faict toutes ces choses; il semble qu'il doubte, il taste encore pour s'asseurer .de son bonheur, il s'escrie de plaisir chaque coup qu'elle donne, il se transit d'ayse en sentant ses attouchemens, et estime plus son bon vouloir que le reste, asseuré qu'il est d'en estre aymé. Et quand l'amour après vient à payer le tribut deu à leurs contentemens, il voit fondre son plaisir dans ses yeux, et comparant les clairs rayons qui viennent de ces mêmes yeux, vrais miroirs de l'âme, avec les postures et grimaces naturelles qu'elle faict de son corps, de ses reins, de sa teste, de ses cuisses et de la partie la plus secrète où il a le contentement de loger son membre tout entier, croit que ses autres membres, bien qu'ils ne voyent goutte, ne laissent pas de sentir leur part du plaisir. La femme aussi, qui est dessus, considère de son costé et faict des reflexions particulières sur chasque posture, en suite à les conter toutes une par une, qui a son nom propre aussi bien que ses ragousts différents, sur lesquels on recommencerait d'icy à dix ans..." (1668, 160-2)

Le renversement de la position du mâle chevaucheur, tant vantée depuis Brantôme (pour lequel, en un célèbre aphorisme "chemin jonchu et con velu sont forts propres pour chevaucher"), se révèle une transgression excitante que l`on sait, comme le carnaval, transitoire, mais qui aide à la recherche du plaisir mutuel, topos obsédant de l`obscénité littéraire autant que des traités de l`amour conjugal.

La femme dessus triomphe ainsi dans l`érotisme des Lumières, comme l`atteste un de ses best-sellers incontournables, le Portier des Chartreux

"Attends donc, reprit-elle, attends, mon ami, je veux te donner un plaisir nouveau, je veux te foutre à mon tour : couche-toi comme je l'étais tout à l'heure. Je me couchai aussitôt sur le dos ; elle monta sur moi, me prit elle-même le vit, me le plaça, et et se mit à pousser. Je ne remuais pas ; elle faisait tout, et je recevais le plaisir. Je la contemplais, elle interrompit son ouvrage pour m'accabler de baisers ; ses tétons cédaient au mouvement de son corps et venaient se reposer sur ma bouche. Une sensation voluptueuse m'avertit de l'approche du plaisir. Je joignis mes élancements à ceux de ma fouteuse, et nous nageâmes bientôt dans le foutre. Brisé par les assauts que j'avais reçus et livrés depuis près de deux heures, le sommeil me gagna. Mme Dinville me plaça elle-même la tête sur son sein, et voulut que je goûtasse les douceurs du sommeil dans un endroit où je venais de goûter celles de l'amour" (Bruxelles, 1889, 108)