mercredi 31 mars 2010

Des humanités classiques à l'anthropologie culturelle


On sait, par exemple, combien le stade anal est marqué par le passage du clivage à l’ambivalence qui, déplacée de l’Objet même à tout l’entourage, s’exprime par une alternance d’activité et de passivité, d’obéissance et de désobéissance. Coexistent, dans ce cadre, le sadisme et le masochisme et, au-delà, avec le désir de posséder, un fort sentiment de vacuité, une propension à agresser et un plaisir toujours plus vif à être menacé. Si, du premier au troisième opus de Species (1995 & 2004), la rhétorique filmique apparaît si différente, malgré la reprise de scénarios apparemment redondants, c’est précisément parce qu’on assiste à un tel glissement, du clivage à l’ambivalence. C’est peut-être bien, du reste, ce substrat inconscient qui permet de saisir l’enjeu de la violence dans un film qui, fondé sur le mécanisme de l’identification projective, clive les personnages humains, notamment de scientifiques, et les projettent sur des aliens féminins — Sil, Eve et Sara. Au fur et à mesure que l’on avance dans cette série, Species, ce qui est projeté vers l’alien est vécu comme de moins en moins étranger, au point que le spectateur en vient progressivement à ce moment où le « Moi sympathise avec l’objet »1 : il fusionne avec celui-ci, il est dans celui-ci, il devient celui-ci. C’est justement là ce qui permet le passage du clivage — en bon et mauvais objet — à l’ambivalence, organisation mentale plus mature. Suivre la série Species revient ainsi à revivre inconsciemment cette avancée décisive sur le plan psychique. Dans les premiers épisodes règne, selon la logique du clivage, la division (division du Moi et division de l’objet) induite par la coexistence face à l’angoisse de deux attitudes contradictoires, résolument étrangères l’une à l’autre. Personnages et spectateurs perçoivent l’Autre de manière à la fois partielle et excessive : soit, en vertu du processus d’idéalisation, comme excessivement bons (Eve au début du deuxième épisode), soit, au contraire, comme diablement mauvais (les hybrides agonisantes et anonymes du troisième volet). Ce registre du clivage maintient la diégèse dans une perpétuelle oscillation entre idéalisation et persécution, et la violence n’est que le fruit de cette division dualiste, sinon simpliste, du Bien et du Mal, de la satisfaction et de la frustration. L’ambivalence, a contrario, rend présente simultanément des tendances, des attitudes, des sentiments opposées. C’est bien, dans le troisième épisode, ce que représente Sara qui peut à la fois aimer et honnir Dean, le protéger et le menacer. L’acceptation de cette ambivalence ouvre la voie à la problématique œdipienne qui fonde véritablement la reconnaissance de l’altérité et de la sexualité — sur laquelle s’achève justement Species 3 en une manière de parodie de Frankenstein. Or, plus l’ambivalence l’emporte sur le clivage et plus devient prégnante l’angoisse, dépressive, de séparation, contre laquelle la fiction, précisément, vient s’inscrire — bref, plus l’horror movie est efficace.



1 Otto F. Kernberg, La Personnalité narcissique et les troubles limites de la personnalité, Toulouse, Privat, 1980 [Borderline Conditions and Pathological Narcissism, New York, Jason Aronson, 1975].

lundi 29 mars 2010

Des humanités classiques à l'anthropologie culturelle



On pourrait, dans cette perspective, s’intéresser à la manière dont un film comme Cloverfield (2008), qui modernise la Bête de saint Jean et le Cthulhu de Lovecraft, apparaît comme une ample variation ludique sur Independance Day (1996), Godzilla (1954 & 1998), War of the Worlds (1898-2005) et même d’une certaine façon sur Alien. Cependant, d’un point de vue formel et non plus thématique, c’est à The Blair Witch Project (1999) que ce film apocalyptique s’apparente, en adaptant au monde urbain le procédé de la steadicam qui avait fait le succès du film de Daniel Myrick et d’Eduardo Sánchez. Bien sûr, ce procédé de la caméra portée inscrit Cloverfield à la lisière de l’imaginaire et du véridique et reproduit, de manière fascinante, les images des attentats du World Trade Center. La presse américaine ne s’y était d’ailleurs pas trompée et avait clairement observé, dès la sortie du film de Matt Reeves : « Cloverfield can’t ever quite escape comparisons to the terrorist attacks on September 11th, 2001, and those echoes stand out even more starkly on the small screen, because that’s how most of us saw those attacks »1. Mais ce ne sont pas seulement des analogies techniques qui unissent Cloverfield et The Blair Witch Project ; c’est une manière inédite de susciter chez le spectateur des angoisses comparables, issues des mêmes canevas anthropologiques, psychologiques et sociétaux : angoisse de la perte, de la séparation, de l’abandon, panique à la pensée d’errer dans un monde hostile et labyrinthique, affolement devant la Bête étrangère à affronter, crainte de l’anarchie et du chaos. Ainsi à la rhétorique filmique correspond étroitement une « rhétorique de l’inconscient »2 qui lui-même est un langage3 ; et, déjà, Christian Metz insistait sur la nécessité de passer de l’analyse d’une esthétique consciente du cinéma à l’étude des réponses inconscientes que le spectateur apporte au matériau fantasmatique du film qu’il regarde.


1 Cf. M. Dargis, « We’re All Gonna Die! Grab your Video Camera » in The New York Times, 18 janvier 2008.
2 Angèle Kremer-Marietti, Lacan ou la rhétorique de l’inconscient, Paris, Aubier Montaigne, 1978.
3 Cf. J. Lacan, Séminaire III, Les Psychoses, 1955-1956, Paris, Seuil, 1981, p.20 : « l’Inconscient, c’est un langage ». Voir, dans le même volume, p.135 : « l’Inconscient est, dans son fond, structuré, tramé, chaîné, tissé de langage ».

dimanche 28 mars 2010



De la même façon, on pourrait chercher à comprendre pourquoi, dans un film comme Blade Runner (1982), Ridley Scott, le réalisateur du premier Alien, a choisi d’emprunter tant d’images à l’Ancien et au Nouveau Testament. Certaines scènes sont en effet clairement des citations ou des transpositions d’épisodes bibliques. La scène de la danse de Zhora et du serpent renvoie directement le spectateur à la tentation d’Ève dans la Genèse ; et les mêmes motifs sont articulés dans le premier livre du Pentateuque et dans le film de Scott : réflexion sur la condition humaine, la tentation, la connaissance du Bien et du Mal, le libre arbitre, les transgressions de tabous, la révolte et la culpabilité que celle-ci induit. Cependant, au-delà de cette organisation thématique, c’est tout le film qui acquiert bientôt une dimension religieuse, mise en avant par son étrangeté narrative, sa lenteur envoûtante et son arythmie jaculatoire. La poursuite de Rick Deckard se présente tel un chemin de croix pour le Blade Runner qui, systématiquement héroïsé par les contre-plongées, y supporte jusqu’à l’épuisement le poids de tous les maux de l’humanité. Parallèlement, Roy devient progressivement une figure ambiguë du Dieu vengeur, châtiant Tyrell et J.F. Sebastian, ses créateurs, qui ont eu l’audace de se faire Dieu en donnant la vie et la mort à leur guise — mais sauvant aussi Rick Deckard auquel il accorde in fine son pardon. Ces structures religieuses qui viennent organiser Blade Runner s’expliquent par des raisons idéologiques : les années Reagan ont cherché à inscrire l’histoire de l’Amérique contemporaine non dans un progrès, mais, comme tout mouvement conservateur, dans une valorisation systématique du passé, voire une forme de régression : « because of a monumental and unprecedented moment of ‘failure’ in its history, then, the progress of America lay in its past: it had to go back, at the very least, to the days before Vietnam. To go forward, therefore, vitally depended upon going back. [...] Scott’s Blade Runner, although an unconventional film in many ways, is a product of this logic of regression in its suggestion that the preferable path for the development of humanity to take is a regenerative one. Viewed thus the film prompts one to make the point that the world beyond its technopolis is the same Edenic New World as America’s fantasy past ». Conjointement, des métaphores, à forte connotation symbolique, sont filées qui visent à indiquer qu’à l’ancienne foi s’est substitué, dans le Los Angeles de 2019, un nouveau dieu, celui de la bio-mécanique. Or cette référence, deux fois répétée par le personnage de Roy Batty, au « God of Bio-mechanics » établit un lien direct entre Blade Runner et Minority Report, film réalisé en 2002 par Steven Spielberg1. Ce film est lui aussi construit sur un arrière-plan religieux et propose également une réflexion quant à la substitution de la religion par la science — réflexion qui questionne, sur un ton parfois professoral, la notion de destin. Dès le début du film, dans cet antre de la technologie qu’est The Temple, Witwer, le policier sardonique, déclare sans détours : « Science has stolen most of our miracles — in a way they [the pre-cogs] give us hope — hope of the existence of the divine » ; et c’est à partir de cette remarque, apparemment anodine, que se déploie l’ensemble du film2 déconstruisant les motifs fondamentaux du rêve de l’Amérique, cette « nation sous Dieu » : liberté individuelle, promesse de prospérité, quête du bonheur. Toutefois, les similitudes entre ces deux films ne s’arrêtent pas là : le second, comme le premier, mêle science-fiction et film noir. C’est précisément ce qui motive, tout au long de Minority Report, les références à Psycho (1960), à Dial M for Murder (1954), à Strangers on Train (1951), à L.A. Confidential (1997) et à Blade Runner lui-même. Non seulement les deux films de Scott et Spielberg sont des whodunit, des fictions policières dans lesquelles prédomine l’énigme, mais encore présentent-ils bien des analogies esthétiques : les couleurs désaturées, rompues et rabattues de Minority Report font ainsi directement écho aux plans nocturnes du L.A. de Blade Runner, tout en couleurs froides. Et cette colorisation singulière est mise au service, dans les deux films, de la resémantisation des tópoï attachés aux sociétés de contrôle dans le cinéma hollywoodien, de Dark City (1998) au dernier Matrix (2003). Même un film aussi grand public que Terminator (1984) mettait déjà au jour ces « craintes de l’informatisation de la société »3 qui devaient reparaître dans Conspiracy Theory (1997) de Richard Donner ou Enemy of the State (1998) de Tony Scott. Les hypothèses de Foucault, de Deleuze ou de Guattari apparaissent alors essentielles pour comprendre comment et pourquoi le cinéma de science-fiction aime tant à mettre en scène des anti-utopies et à représenter les forces de déshumanisation prétendument à l’œuvre dans le monde contemporain. La même herméneutique de la condition postmoderne explique la réactualisation dans le cinéma de genre de lieux communs qui sont autant de modèles culturels : passage de la discipline à la domination, vigilance policière à l’égard des émotions et des sentiments, conception nouvelle des techniques perçues comme des contraintes, manière inédite de maîtriser la vie et la mort (idée qui était déjà centrale dans Soylent Green de Richard Flescher), administration inquisitoriale de l’espace urbain (Body of Lies [2008] de Ridley Scott), construction de la réalité et manipulation des souvenirs, bureaucratisation insensée et pressions psychologiques de toute sorte, collusion du capitalisme et de la société de contrôle (Robocop [1987] de Paul Verhoeven), réification de l’humain contre laquelle seule la jeunesse saurait s’insurger (c’était déjà là la fable du très controversé Punishment Park [1971] de Peter Watkins). On le voit, de telles études filmiques visent à interpréter des productions culturelles — et à le faire depuis une rhétorique nouvelle, amplement changée dans ses objets comme dans ses enjeux.



1 Voilà qui n’est pas pour surprendre puisque ces deux films sont, comme Total Recall (1990) ou Screamers (1995), des adaptations de récits de Philip K. Dick.
2 Voir Nigel Morris, The Cinema of Steven Spielberg. Empire of Light, Londres, Wallflower Press, 2007, p.322.
3 Cf. T. Michaud, « Progrès de l’informatique et craintes de l’information de la société dans Terminator » in F. Gimello-Mesplomb (éd.), Le Cinéma des années Reagan. Un modèle hollywoodien ?, Paris, Nouveau Monde, 2007, p.257 sqq.

vendredi 26 mars 2010

Des humanités classiques à l'anthropologie culturelle


Dans le cadre de cette nécessaire rénovation, les études filmiques ont un rôle essentiel à jouer. D’abord — parce que le cinéma est une écriture qui cherche à convaincre, à persuader, à émouvoir et à plaire — elles s’inscrivent naturellement dans le cadre d’une nouvelle rhétorique. L’arrangement des plans, leur profondeur, les raccords qui les unissent, l’organisation des angles de vue, les mouvements de caméra, le montage, le point de vue, la bande-son déterminent évidemment la réception d’un film. Le cut, l’effet d’iris, le fondu au noir ou enchaîné, le flash back, les panoramiques ou le travelling compensé sont autant de figures qu’il convient non de relever, mais d’interpréter dans le cadre d’une sémiologie du cinéma. C’est cette approche rhétorique qui, depuis une quinzaine d’années, a profondément renouvelé les film studies, notamment, à l’université de Lund, autour de Göran Sonneson et, à la Tisch School of the Arts de la NYU, autour de Moya Luckett ou d’Allen Weiss. On le devine, on ne saurait, dans cette optique, s’en tenir à la traditionnelle intersémioticité, cette « interprétation des signes linguistiques au moyen de systèmes de signes non linguistiques »1, et continuer à traiter des adaptations cinématographiques de Balzac par René Le Hénaff et Charles Spaak, de Maupassant par Jean Renoir et Max Ophuls, de Zola par Marcel Carné et Claude Berri. Certes, il serait passionnant de s’attacher à la manière dont la prolifération des images télévisuelles bouleverse l’écriture romanesque chez un auteur comme Don DeLillo, de repérer comment, chez un Paul Auster, les écritures scénaristique et littéraire s’informent mutuellement ou, enfin, d’étudier pourquoi l’écriture cinématographique conditionne à ce point un spectacle comme Massacre de Ludovic Lagarde. Mais ce n’est pas le véritable enjeu de ces études filmiques influencées par l’histoire culturelle et la visual anthropology2. Il s’agit bien plutôt d’opérer de véritables transferts de notions et de concepts dans le champ d’une nouvelle herméneutique, multipliant les rapprochement inattendus.
La Bible est en vogue et l’on ne compte plus les cours qui lui sont consacrés dans les facultés des Lettres — chez Dante, d’Aubigné, Théodore de Bèze, Du Bartas, Saint-Amant, Auvray, Voltaire, Vigny ou Thomas de Quincey. Mais pourquoi diable, dans ce cadre, refuser de s’intéresser par exemple au troisième opus de la tétralogie Alien, réalisé par David Fincher est qui est bien plus qu’une histoire de possession ou une récriture de The Thing (1982) de Carpenter, lui-même remake du film qu’Howard Hawk avait réalisé en 1951 ? Dans le pénitencier sidéral qui sert de cadre au film, la lutte contre l’alien recouvre en effet une réflexion théologique, un discours sur la divinité. D’une part, la prison, par tous les choix du réalisateur, prend des allures de monastère, revitalisant au passage le thème du huis-clos, capital dans l’ancienne science-fiction comme dans les genres de l’horror film et du slasher movie. D’autre part, l’alien, avatar de la Bête de l’Apocalypse, est l’emblème du Mal absolu3 ; et Ripley, qui contient en elle ce Mal, est paradoxalement le seul personnage à lui pouvoir faire face. Dès lors, l’ensemble du film apparaît comme une variation sur le combat mené par le Christ contre le Tentateur, décrit dans les trois Évangiles synoptiques. Il n’est pas étonnant, dans ces conditions, que la mort de Ripley apparaisse ensuite comme une marque de son désir de racheter les hommes — ni que le quatrième volet s’intitule Resurrection. Alien 3 se présente ainsi telle une fable métaphysique qui s’attache à la distinction entre la justice de Dieu et celle des hommes. L’enterrement de la petite Newt — qui, monté en parallèle avec la naissance de l’alien, revêt une importance cruciale — permet à un spectateur attentif de comprendre le lien très étroit qui unit cet épisode d’Alien avec Seven, dans lequel David Fincher poursuit sa réflexion sur la notion de péché.



1 « Inter-semiotic translation, or transmutation, is an interpretation of verbal signs by means of signs of non verbal sign systems ». R. Jakobson, « On Linguistic Aspects of Translation » in R. Brower (éd.), On Translation, Cambridge, Harvard, 1959, p.233 [Essais de linguistique générale, trad. de N. Ruwet, Paris, Minuit, 1963, p.79].
2Voir l’ouvrage essentiel de Leslie Devereaux & Roger Hillman (éd.), Fields of Vision. Essays in Film Studies, Visual Anthropology and Photography, Berkeley & L.A., University of California Press, 1995.
3Mais après tout alien (ălĭēnus) désigne aussi bien l’étranger que l’extra-terrestre ou l’altérité. Il est donc bien des interprétations politiques ou psychologiques à mener, dès lors que l’on considère que le Mal, c’est l’immigrant ou « le grand Autre » lacanien. La même remarque vaut pour les films de John Carpenter, par exemple, tous hantés par l’idée que l’invasion, le cauchemar ont déjà commencé, pour reprendre les mots du générique de la série The Invadersthe nightmare has already begun »).

jeudi 25 mars 2010

Des humanités classiques à l'anthropologie culturelle 3


Pourquoi oublier que lorsque Barthes brossait, dans son séminaire de l’École Pratique des Hautes Études, un petit tableau de « l’ancienne rhétorique »1, c’était pour s’ouvrir aussitôt aux domaines de ces nouvelles mythologies que sont voitures et sports en vogue, aux modes vestimentaires, aux publicités pour les pâtes Panzani, aux fantasmes gauliens, et, aussi, pour démonter les ressorts de la « rhétorique de l’image »2, selon le titre d’un article célèbre ? Là encore, les cultural studies ont permis un renouvellement intéressant de l’approche rhétorique, en situant résolument cette dernière à la croisée des identités, du politique et de la prâxis3 — bref, en ne faisant point assaut d’une pédanterie traditionaliste cramponnée aux vieilles éloquences, mais en adaptant des méthodes, dont les origines peuvent être anciennes, au monde d’aujourd’hui, afin de le mieux comprendre. C’est ainsi que, plutôt que de s’intéresser à la religio impériale qui, dit-on, concentrait chez Auguste auctoritas et potestas, Michel Erman et Jonathan Weiss se sont récemment attachés à l’éloquence du candidat Obama. Après avoir montré que celle-ci renvoyait à l’ễthos d’un homme « inébranlable et digne de foi dont la sérénité contrastait avec la fébrilité de son adversaire », ils ont minutieusement analysé la manière dont son langage fut volontairement « allusif et métaphorique permettant de jouer sur les perceptions et les passions des électeurs »4. Voilà qui les conduisait à étudier comment « la pérennité de believe pouvait se marier à la temporalité de change », mettant au jour les ressorts de ce qui fut « un discours de communicateur plus qu’un discours de rhéteur », soulignant les raisons pour lesquelles une telle faconde peut finalement échapper à l’action politique, annonçant aussi l’hiatus qui est entre le candidat et le président.
On l’aura compris, cette ouverture de la rhétorique — et des études littéraires — à d’autres champs est, me semble-t-il, extrêmement féconde. Elle induit une démarche véritablement transdisciplinaire (et non seulement pluridisciplinaire) et elle permet de croiser des hypothèses issues de l’histoire des mentalités, de la philosophie politique, de la psychologie de l’individu et des foules. En foi de quoi elle ne se restreint pas à expliquer des textes mais cherche à comprendre, bien au-delà, le monde dans lequel nous vivons. C’est, en réalité, une question épistémologique essentielle qui se pose là, celle de savoir si les études littéraires ont pour enjeu d’exhumer des œuvres, d’embaumer des textes, rares et anciens, ou bien, au-delà, de forger des concepts susceptibles d’expliquer pourquoi nous pensons ce que nous pensons, comment se modèlent nos Weltanschauungen, dans la littérature et hors d’elle — et non point dans un passé de longtemps évanoui, mais hic et nunc. Il ne s’agit plus par exemple, dans ce cadre, de commenter les Métamorphoses d’Ovide, mais d’essayer de comprendre comment le Porno Manifesto d’Ovidie peut bouleverser aujourd’hui les stéréotypes féministes ou réhabiliter la pornographie. Au-delà, même de leur interrogation du monde contemporain, de telles approches renouent avec les questions que Bataille plaçait au cœur de toute recherche « Que signifie ce que je suis ? », « Que signifie généralement l’existence humaine ? »5 — questions qui, et c’est fort regrettable, n’ont plus cours dans nos universités.




1 R. Barthes, « L’Ancienne rhétorique. Aide-mémoire » in Œuvres complètes, 3 vol., t.II, Paris, Seuil, 1994, p.901 sqq.
2 R. Barthes, « Rhétorique de l’image » in Communication, n°4, Paris, Seuil, 1964, p.40 sqq.
3 Cf. « Approching the Intersection: Issues of identity, Politics, and Critical Practice » in Thomas Rosteck (éd.), At the Intersection. Cultural Studies and Rhetorical Studies, New York, The Guilford Press, 1999, p.1-23.
4 M. Erman & J. Weiss, « Métaphores de campagne. La marque Obama » in La Prose du monde, n°1, Dijon, 2009, p.64 sqq.
5 G. Bataille, « Qu’est-ce que l’Histoire universelle » in Critique, n°111/112, août-septembre 1956. Reproduit dans Œuvres complètes (1950-1961), vol. Xii, Paris, Gallimard, Nrf, 1988, p.416 sqq.

mercredi 24 mars 2010



Or, justement, l’étude des littératures actuelles est réduite à une portion de plus en plus congrue de nos programmes, de nos recrutements, de nos vastes centres de recherches fusionnés. Des étudiants peuvent devenir professeur sans avoir jamais entendu parler, pour les genres intimes, de Doubrovsky, pour le roman, de Siri Hustvedt ou, pour le théâtre, d’Arthur Nauzyciel et en ignorant jusques aux noms d'Adorno, de Benjamin ou de Foucault, mais en ayant suivi d’interminables cours sur l’Adonis de Bion de Smyrne ou le poème médical de Serenus Sammonicus. Il me semble que se posent là plusieurs problèmes, certes différents mais étroitement liés entre eux. D’abord, un curieux entêtement à ne plus inventer de nouveaux métalangages, ce qui rejoint ce travers essentiel de nos universités que signalait récemment Guy Scarpetta : « pléthore de l’information », « indigence de la pensée »1. Ensuite, l’érection de deux lieux communs en dogmes scientifiques : « tout ce qui est ancien est intéressant » et « nous n’avons pas le recul nécessaire pour expliquer les phénomènes contemporains ». C’est ce qui explique qu’alors que se multiplient les congrès sur les pœtæ minores, les littéraires n’ont jamais daigné consacrer le moindre colloque à Philip Roth ou à Don DeLillo, et qu’une unique journée d’études fut consacrée à un romancier aussi majeur que Danilo Kiš, il y a presque dix ans de cela. À surprendre les conversations de beaucoup de collègues et à lire la liste annuelle de leurs travaux, on a le sentiment que la littérature meurt au XVIIIe siècle, avec les Belles Lettres — moment précisément où elle naît. Un peu partout fleurissent des licences d’« humanités », mais non pas au sens des humanities anglo-américaines, associant l’Histoire, la géographie, la philosophie, le droit et les littératures, mais au sens des studia humanitatis, étude des langues anciennes et de leurs textes favorisant excessivement la bibliographie matérielle, la traduction et la glose. Se trouvent ainsi maquillées en perspectives d’actualité — voire d’avenir ! de très vieilles lunes pédagogiques qui contribuent à généraliser et, ipso facto, à secondariser les deux premiers cycles universitaires. Je dirais volontiers, si je ne craignais que mes propos ne fussent entendus comme une cruelle référence à Soylent Green [1973], ce film d’anticipation dans lequel les cadavres des anciens sont transformés en pilules nutritives et particulièrement nourrissantes — je dirais volontiers qu’aujourd’hui l’Université française aime par dessus tout recycler du vieux. Pense-t-on que j’exagère ? En 2010, la seule solution envisagée pour rénover nos licences revient à se réclamer du système de la propédeutique, de renouer, donc, avec un formule mise en place et 1948 et abandonnée depuis 1966. Pourquoi quérir ainsi, continuellement, les solutions dans le passé ? Pourquoi ne pas se tourner vers les cultural studies qui certes ont leur travers mais qui, par la diversité de leurs approches — gender and sexuality studies, queer studies, film studies, media studies, subaltern studies — ont, ailleurs dans le monde, régénéré les études littéraires et apporté, en jetant les bases d’une nouvelle science de l’interprétation, une réponse à la crise partout née de la massification estudiantine. Pourquoi ? Pour des raisons académiques et psychologiques, pour défendre encore, un tout petit peu, les sanctuaires disciplinaires qui sont déjà en ruines — mais dont la pensée même qu’ils ne sont plus étincelants est tellement insupportable qu’elle doit, à tout prix, être déniée.
Corollairement à ce conservatisme des humanités, les sciences sociales — qui à l’occasion du cultural turn ont, hors de France, durablement renouvelé les études littéraires — voient leur place se rétrécir chez nous comme peau de chagrin. Encore une fois, il n’est pas inutile d’observer l’organisation de nos enseignements. Ceux-ci se partagent essentiellement entre études formelles et histoire littéraire, avec une large place accordée aux commentaires, à ces « micro-lectures » ou « lectures rapprochées » qui sont autant de « myopies » ; le terme n’est pas de moi, mais de Jean-Pierre Richard2. Ces exercices, bien sûr, ne sont pas toujours inutiles — mais ils sont devenus une fin jusque dans la recherche. Les littéraires ne recourent pratiquement plus, pour éclairer leur propre domaine, à la sociologie, à l’économie, à la psychologie, à l’Histoire, à la géographie humaine, aux sciences de la politique ou du religieux, à la philosophie, à la théorie du droit ou à cette anthropologie culturelle qui s’attache à la fois aux caractéristiques psychophysiques universelles de l’être humain et aux différences qui, dans le temps et à travers les cultures, affectent les manières de les comprendre, de les conceptualiser, de les traiter, de les présenter et de les utiliser. Bref, on glose à tour de bras, on n’interprète presque jamais, restant les esclaves de textes qu’on idolâtre et qu’on referme sur eux-mêmes, comme une boîte dans la poussière. J’en prendrai un seul exemple qui, me semble-t-il, est révélateur. On dit la rhétorique disparue au XIXe siècle — au profit notamment de l’Histoire. Dans l’Université d’aujourd’hui, on en fourre toutefois littéralement partout, comme la mythologie — c’est à croire, dirait un frondeur, qu’on en est revenu à l’époque de l’empereur Auguste. Mais sous quelle forme étudie-t-on généralement cette rhétorique ? D’une part, en répétant inlassablement une même synthèse des figures, de mots et de pensée. Ensuite, en dressant le panaroma qui mène de la période hellénistique (Théophraste, Hermagoras de Temnos) à l’âge classique (Nicolas Caussin et le Père Lamy) en passant par la Rome républicaine (Cicéron) puis impériale (Denys d’Halicarnasse). Comme tout cela est parfaitement connu, il est difficile d’y trouver du nouveau ; et l’érudition apparaît, naturellement, aux yeux des doctes, comme la seule solution pour sortir de l’impasse épistémologique dans laquelle ils se sont d’eux-mêmes engagés. Ils s’intéressent alors, au gré de leurs fantaisies, aux parties du discours chez Diomède, Charisius, Pompeius ou Cratès de Mallos, aux liens entre théologie et rhétorique chez Gilbert de Poitiers ou aux paraphrases de Barthélémy Aneau. Cette érudition, mêlée de formalisme et érigée en méthode, vénèrent les textes d’auteurs les plus subalternes de l’histoire des arts et des idées qui sont patiemment exhumés, puis traduits, puis glosés. Mais que reste-t-il de neuf à dire de termes comme prædicare, tractare ou sermo, ou de notions comme l’inuentio ou la dispositio ? Et de la réhabilitation de l’art oratoire à la Renaissance ? Et de la tension entre páthos et lógos à l’âge classique ? Peu de choses passionnantes, au vrai. Comment, dans ces conditions, s’étonner de la désertion qui frappe de plein fouet nos filières littéraires ? Comment s’offusquer de l’attitude de cette étudiante italienne qui, égarée dans un cours sur la poésie de Claudien, gémissait récemment, la tête dans ses mains, « mon Dieu, que c’est triste ! Mon Dieu, que c’est assommant ! »



1 G. Scarpetta, « Le Gai savoir », préface à S. Hubier, Lolitas et petites madones perverses. Émergence d᾽un mythe littéraire, Dijon, Eud, 2007, p.v.
2 J.-P. Richard, Microlectures, Éditions du Seuil, coll. « Poétique », 1979, p. 7.

lundi 22 mars 2010

Des humanités à l'anthropologie culturelle



Les réformes qui bousculent l’Université française auraient pu avoir le mérite de nous pousser, au sein des départements des Lettres, à nous demander ce que nous faisons et pourquoi nous le faisons. Outre la mise au jour des contradictions risibles de nos habitus idéologiques, une telle réflexion aurait rappelé que deux modèles antagonistes, inconciliables, se disputent la suprématie au sein de notre alma mater : les sciences sociales et les humanités. Les zélateurs de ces dernières tiennent, depuis l’époque structuraliste qui les avait éclipsées, des discours tout à tour victimaires, larmoyants et vindicatifs, toujours pleins d’une emphase insensée. Est-il vraiment raisonnable, par exemple, de parler à tout bout de champ de « bûcher des humanités », de « sacrifice des Lettres », de « crime de civilisation »1 ou de « crimes contre les humanités » à propos du recul de l’apprentissage des langues mortes ? N’est-il pas très exagéré de voir dans la désaffection des vieilles littératures le fruit d’un complot ourdi par les élites gouvernementales, nationales, européennes, mondiales ? Ne serait-elle pas due, plus simplement, cette désaffection, à une progressive indifférence pour les langues de Xénophon et d’Aulu-Gelle — et pour des textes dont on peut dire, sans faire injure à quiconque, qu’ils ne sont guère rajeunis dans la présentation et les explications qui en sont faites ? Qu’on me comprenne bien : mon propos n’est pas, ainsi que le fit récemment André Murcie, de récriminer tout de go : « tous ces professeurs de latin et de grec qui pleurent sur leurs évanescentes disciplines nous fatiguent »2. Après tout, dans les dernières années, c’est une latiniste, Florence Dupont, qui a sans doute le plus profondément renouvelé les études littéraires. Non seulement son rejet de l’aristotélisme vient rompre avec bonheur les habitudes historiques et théoriques qui sont les nôtres3, mais encore ses analyses du feuilleton Dallas et de la série Rome, qui visent moins à nous parler d’Antiquité que de nous-mêmes, montrent tout ce que nous aurions à gagner à nous tourner enfin vers l’anthropologie et les cultstuds. Au surplus, on comprend, à la vue de ces exemples que c’est parfois dans la très longue durée que l’on peut saisir comment se forgent les représentations et pourquoi elles se métamorphosent au fil de l’Histoire. Poursuivant ces analyses et en adoptant les points de vue de l’anthropologie culturelle et des gay and lesbian studies, Thierry Éloi a grandement modifié la compréhension de « la sexualité de l’homme romain antique » et la conception de l’otium, de la mollitia ou du labor qui déterminent encore notre libido postmoderne. Au-delà de la défense d’intérêts personnels qui ne compte pas pour rien, les conservatismes épistémologique et scientifique qui touchent l’Université apparaissent comme le symptôme d’un vaste mouvement de classicisation de l’enseignement des Lettres, mouvement qui n’est pas imputable, loin s’en faut, aux seuls apôtres des langues et littératures anciennes. Depuis une dizaine d’années en effet, une vision passéiste du monde — du monde des hommes, des langues, des Lettres, des fictions, de la critique et même de l’Histoire — vient fonder un discours conservateur qui, en prétendant tout sauver — « l’Université », la « Recherche », les « Lettres », la « Culture » — contrarie de facto toute innovation méthodologique d’importance. À cet égard, il est frappant de constater combien, depuis deux lustres, abondent les discours qui visent à réduire l’Université à un simple conservatoire des savoirs et, surtout, des savoir-faire. Dans le même temps, au gré de cours, toujours plus nombreux, de mythologies, l’inclination vers l’Antique est de plus en plus prononcée au sein des départements des Lettres modernes. Cette situation est parfaitement incongrue alors même que les historiens s’accordent à faire débuter la modernité en 1492, avec la découverte du Nouveau Monde, que la postmodernité et l’hypermodernité s’imposent comme des notions essentielles dans les domaines de l’ontologie et de l’esthétique, et que, dans l’ensemble du monde occidental, les études littéraires s’ouvrent aux nouveaux médias et aux productions ultracontemporaines.


1Michèle Gally, Le Bûcher des humanités. Le sacrifice des langues anciennes et des Lettres est un crime de civilisation !, Paris, Armand Colin, 2006.
2 http://littera.incitatus.ifrance.com/2007/s80.html
3F. Dupont, Aristote ou le vampire du théâtre occidental, Paris, Aubier, 2007.

dimanche 21 mars 2010


Mardi 16 mars s'est tenu à la bibliothèque Andrew Carnegie de Reims une table ronde intitulée




Études filmiques/film studies
Le cinéma hollywoodien : un modèle culturel/

Hollywood movie's. Cultural Transfert




En voici le programme:

Ouverture : « Des humanités classiques à l'anthropologie culturelle : l'exemple des études filmiques »


Chloé Gauzi (URCA) : « Pour une anthropologie culturelle du cartoon, de Tom & Jerry à The Simpsons »


Michel Erman (UB, Dijon) : « Clint Eastwood furieux : Gran Torino »


Sébastien Hubier (URCA) : « Étudier la culture de masse. L'exemple du cinéma reaganien »


Vanessa Besand (UB, Dijon) : « Les nouvelles comédies hollywoodiennes »

Victor Piegay (UB, Dijon) : « Le biopic à l'épreuve des théories de la fiction : paradoxes d'un genre »

Delphine Courtine (URCA) : « L'imaginaire du mob movie : violence, tragique et sacré »

Emmanuel Le Vagueresse (URCA) : « Les premiers romans de Juan Goytisolo (1954-1958), ou comment adapter la grammaire cinématographique du film noir américain aux fictions narratives dans l’Espagne du Général Franco »


Cette journée d'études fut accompagnée, à l'université de Reims, de projections de films et d'une conférence d'Antonio Dominguez Leiva, Messaline, impératrice et putain.


Dans les jours prochains, vous trouverez quelques extraits de ces communications ici même et sur notre site Revue d'études culturelles en ligne



Au plaisir de vous y retrouver nombreux.


mardi 9 mars 2010

Terminal Sadism




In tune with Warhol and Morrissey’s iconoclast intake on “monster movies”, Euro trash revamped them in an erotic S&M rampage from Jess Franco’s Mrs Hyde to his Experiences Erotiques de Frankestein before the hilarious spoof Rocky Horror Picture Show. Sci-Fi also introduced sexploitative S&M scenarios like in the sex-exhaustive Invasion of the Bee Girls (1973) that spiced up the theme of Invasion of the star creatures (1962). Zombies themselves were sexualised in the necrophilia fantasy-world of Le Notte Erotiche dei Morti Viventi… But it was cinematographic psychopathology that really triumphed over Gothic traditional S&M elements, incorporating more and more sexual violence (Scream and die), with more and more extreme giallo from Umberto Lenzi’s Paranoia (1969) to the notoriously sadistic Girl in Room 2A (1974) or Di Leo’s shocking and misogynist morality tale Being Twenty (1979). Hallmark produced Last House on the Left (1972), “an exercise in terminal sadism” supposed to be “a reaction to the violence around us, specifically to the Vietnam war” (1). The sado-masochist reversal of victim to torturer and back that structures the film is one of the basic sexploitative tropes. Six years later Jerry Gross’s I Spit on Your Grave would yet radicalize the graphic depiction of the hunt, capture and rape of a woman by four louts followed by her brutal revenge. “In a cynical sense commercial films got to cater to the large male audience that enjoyed seeing women tortured, brutalized and murdered”, taking advantage of the publicity made by feminist’s critiques (2). Literally hundreds of movies competed in a Sadean rush to reach the “comble” of sexual horror, ending in disturbing psychopathic oeuvres like porno chic Roger Watkin’s Last House on Dead End Street “where evisceration is a metaphor for the sex act”, though allegedly “motivated by a hate of pornography and the swingers who create it” (3).

(1) W. Craven in P. Hardy, op cit, p. 257
(2) B. Landis &M. Clifford, op cit, p. 137
(3) Id, p. 148

samedi 6 mars 2010

Sadean Superwoman



Simultaneously the Seventies sexploitation brings to a climax the previous influences of psychotronia, creating a real “counter-cultural” universe with its own temples and rituals in Paris, London or New York, reverently evoked by Landis and Clifford in Sleazoid Express. The sex and horror subgenre was one of the main platforms of this shift towards explicit sado-masochism, turning “even weirder and wilder in order to compete with the explicit attractions of porno” (1). Following the Jean Rollin cycle of lyrical sadean poems (Le viol du vampire, 1967 ; La vampire nue 1969, Le frisson des vampires 1970) and the Hammer reinvention of sex vampires (Vampire Lovers and Lust for the Vampire, 1970) Eurosleaze horror followed, specially Spanish: Jess Franco’s Vampyros Lesbos 1970 and Les Avaleuses 1973, José Larraz’s Vampyres 1974, “the ultimate aggressive Eurosex movie, with terminal sex central to its mix”(2). The female vampire ruled, obsession of the Decadent femme fatale as a male anguished reaction to the feminist emancipation of the seventies but also echo of the deep masochistic appeal to the maternal figure of the dominatrix.

The Sadean superwoman (Juliette, as opposed to the super-victim Justine) had many figures, from countess Bathory in La comtesse perverse (J. Franco 1973), in Walerian Borowcyzk’s episode from Immoral Tales (1974) and in Jorge Grau’s Ceremonia Sangrienta (The Female Butcher aka Countess Dracula, 1972) to literary adaptations of Sacher-Masoch’s Wanda in Venus in Furs, shot in 1967 (J. Manzano) then in 1969 by Franco. The sexy horror genre also characterized the psychotronic cult of Sade that emerged in biopics (starting with 1969’s De Sade), explicit adaptations of his work (specially Franco who shot Justine twice, first in 1969 and in a more explicitly hardcore fashion, integrating Klaus Kinski as the fantasizing Marquis himself, in 1975) or implicit references (Franco’s Eugénie, etc.). Departing from the super-villain persona of The Skull (1965), de Sade was becoming “the fitting icon for the hedonism of the new liberalism” (3).

(1) C. Tohill et P. Tombs, Immoral Tales: European Sex & Horror Movies 1956-1984, Primitive Press, 1994, p. 5
(2) B. Landis &M. Clifford, op cit, p. 188
(3) T. Krzywinska, Sex and the Cinema, London: Wallflower Press, 2006: 198

lundi 1 mars 2010

Les Pornocrates



High culture went through a second Sadean revival, following the studies of P. Klossowski, M. Blanchot, R. Barthes or P. Sollers and the porno chic wave of the French “pornocrates”, a curious mix of hardcore intellectuals and renegades from the fantasy and horror cinema. Literary adaptations of the great erotic tradition, from Sade to Sacher-Masoch, Louys or Réage legitimized the new genre despite the right-wing criticism of “moral decline” and the left-wing accusation of “bourgeois exploitation” and “misogyny”. Landmarks in this invasion of fetishist S&M imagery, often embedded in a highly literate rite de passage/initiation narrative format and sustained by a deliberately foregrounded “arty” aestheticism (soft-focus lenses, carefully staged sets, dreamy music and glamourous locations), include Robbe-Grillet’s Glissements progressifs du plaisir (1973), Just Jaeckin’s History of O and The Perils of Gwendoline, P. A. Jolivet’s La punition (1972), R. Metzger’s L’Image (script by Catherine Robbe Grillet, 75) or the film commix of Guido Crepax Baba Yaga (73). Combined with the “hipification” of the underground tradition and its own strain of S&M subcultural elements (as in the extreme body art activism of Otto Muehl’s Sodoma, 69), Western intelligentsia was turning Sadean to the core. The “Tradition of Transgression” had become the norm of the “cultural field” in opposition to post-war Moral Order, now fueled by a rhetoric of liberation that went from prolet-kult activism to the “new libertinism”.