mercredi 4 juin 2008

Zichy


Cette gravure de Mihály Zichy, célèbre peintre hongrois rangé (à tort) parmi les Romantiques, est représentative de l'envers "secret" des Beaux-arts à l'âge bourgeois.

La femme dessus (dans la position technique des "mystères pygiaciques" célébrés par Pétrone, plus banalement connue comme "reverse cowgirl") est maintenant banalisée dans une scène intime, quotidienne, qu’on aurait pu surprendre si, comme dans les romans cochons bourgeois, on était une bonne ou un adolescent trop curieux.

Tout, des coussins aux coiffures, vise à restituer un "effet de réel", prolongé par le souci du détail clinique (la façon dont la femme remonte calmement sa jupe, observant le bon déroulement de "la chose").

Loin des acrobaties complexes de Carracci et de ses corps aristocratiques, les corps sont ici calmes, lourds, sans idéalisation mais aussi sans laideur grotesque.

À peine les doigts crispés de l'homme (de la main mais aussi, surtout, des pieds raidis) et l'attitude de son menton, levé dans ce qui pourrait être un râle de jouissance, indiquent le mouvement coïtal.

Les visages, dérobés, échappent à notre voyeurisme mais aident à universaliser la scène, la transformant en fantasme dont on peut librement participer.

Eloigné du polisson autant que du sensationnalisme, cet érotisme bourgeois veut restituer la vérité des corps, double esthétique de la médicalisation du social étudiée par Foucault.

Nulle menace, a priori, dans cette femme. Néanmoins, l'attitude presque mortuaire de sa monture contraste avec la vigueur de son corps, renvoyant à la hantise d'une déperdition masculine au profit du triomphe de la Femme, topos qui nourrit autant les fictions "réalistes" ou naturalistes que "décadentes".

L'insistance, dans la série que Zichy consacre au coït, de la femme dominante (notamment à travers la figure, concurrente à la Femme Dessus, du cunnilingus) montre la persistance, "naturalisée", de cette hantise hiérarchique.

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